| chronique des nukaks |

Publié le par jérémiah

| chronique des nukaks |
(suite) « Peut-on encore sauver les Nukaks ?
Colombie. Les Nukaks, l'un des derniers peuples nomades du bassin amazonien, ne sont connus que depuis 1988. Aujourd'hui chassés de leur territoire ancestral, ils succombent rapidement aux maladies.

Les Nukaks ne sont pas seulement victimes des menaces : dès qu'ils quittent la forêt, ils perdent tous leurs repères et deviennent une proie facile pour n'importe quelle forme d'autorité. Les colons profitent d'eux, utilisant leurs connaissances et leurs bras pour défricher la forêt et planter de la coca, en échange d'une bouteille d'eau-de-vie ou d'une poignée de billets. « Toujours les fermiers ont trompé les Nukaks, ils violent les femmes, il y a déjà beaucoup de femmes nukakes qui sont parties avec un mari blanc. Seulement utiliser et abandonner. Nous, nous ne savons pas comment punir un Blanc. Nous laissons les choses comme ça. Il n'y a pas de réclamation. » [...]
Hier, les médecins ont distribué des vermifuges et des lotions au lindane pour lutter contre les tiques. Pour leur expliquer la posologie, ils ont montré le soleil, son zénith ou son couchant, disant qu'il fallait prendre le médicament une, deux ou trois fois par jour, précisant que les enfants devaient prendre une nouvelle dose de vermifuge la semaine suivante. Mais une surprise de taille nous attendait aujourd'hui. Lorsque les médecins ont demandé si quelqu'un avait un échantillon du purgatif pour l'administrer à une personne qui avait manqué la distribution, ils ont découvert qu'il ne restait absolument rien : les Nukaks avaient utilisé tout le lindane et avalé le contenu des flacons antiparasites jusqu'à la dernière goutte. Malgré les efforts du traducteur et des médecins, ils n'avaient absolument rien compris/ ou n'avaient pas voulu comprendre. Ou avaient pensé que les médicaments seraient plus efficaces à forte dose. À moins qu'ils n'aient tout simplement une tout autre conception du temps.
Patricia Contreras, le médecin, a noté dans son rapport une information qui confirme une première présomption : la promiscuité est de mise dans cette communauté nukake. Les couples se font et se défont, non sans conséquences. La plus grave est le suicide, qui semble être une réponse fréquente des Nukaks aux situations qui leur échappent. Le père nukak de Manuel García s'est suicidé parce que deux femmes se disputaient ses faveurs. Il a absorbé du barbasco, une planté vénéneuse [servant à asphyxier les poissons dans les cours d'eau]. Sandra raconte que son premier compagnon, le père d'Hernán, a mis fin à ses jours de la même façon. Les médecins ont également remarqué qu'il y a beaucoup d'orphelins dans cette communauté. Mais les Nukaks résolvent le problème avec un grand sens des responsabilités : les femmes se partagent les enfants sans famille et les élèvent comme les leurs.
»

Par Oscar Bustos B., pour le trimestriel colombien Número, article repris ensuite par Courrier International, dans le numéro hors-série de juin-juillet-aout 2007, p.55.

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